Liturgies sous Prozac,
récit d'une emprise spirituelle


Anne-Charlotte de Maistre
Editions Salvator.

 
Nous recommandons ce récit d’une ancienne sœur des Fraternités Monastiques de Jérusalem à toutes celles et tous ceux qui se cherchent et cherchent une communauté ou un monastère où ils pourront engager leur vie.

En effet cet ouvrage pose de façon aiguë l’insidieuse question du discernement : comment choisir un état de vie ? Comment choisir le groupe social où se réaliseront pleinement mes aspirations les plus profondes ? Suffit-il qu’il y ait un émerveillement, que l’on souhaite s’engager totalement, que la liturgie soit belle, que les chants vous transportent au paradis, que l’on n’ait plus de soucis à se faire pour la vie courante, que l’obéissance vécue évite d’aborder les questions qui fâchent ? Suffit-il de laisser quelqu’un décider pour moi que j’ai « la » vocation ?
C’est si facile de laisser une emprise s’installer ! « Quand on est dans une emprise on n’en a pas conscience. Dès qu’on en prend conscience, on en sort. L’emprise ne se conçoit que de l’extérieur d’elle-même ». Encore ne faut-il pas perdre l’estime de soi…




Le récit souligne également les pièges de l’accompagnement psycho-spirituel, souvent mêlé à une dépendance affective vis-à-vis de la personne qui « accompagne ». Dans une telle démarche tout est source de confusion : « Je ne savais pas bien, écrit-elle, si le spirituel devait continuer à prendre les décisions aux conséquences psychologiques ou si le psychologique devait prendre les décisions aux conséquences spirituelles. Le jeu de miroir entre le spirituel et le psychologique se traduisait pour moi par une habile esquive de la réalité ».


La deuxième raison pour laquelle nous recommandons ce livre, malgré ses longueurs et ses faiblesses dues à une introspection continuelle parfois excessive, c’est la façon dont Anne-Charlotte de MAISTRE a réussi à quitter cette « Fraternité » abusive. Elle a connu la dépression, d’où le titre du livre. Mais elle a eu un sursaut inconscient : elle a pris la fuite. 


Pas besoin de demander une exclaustration et de justifier la demande 

« Je suis allée voir la prieure de Paris à qui j’ai dit : « il faut que je parte, très vite ». Et je suis partie comme ça, en vacances chez mes parents. Sans projet, sans plan, sans savoir ce que je ferais. Evasion impulsive. C’était une question de survie ». […]Ma décision fut d’autant plus facile à prendre qu’elle n’était pas prise ou, plus, précisément, que j’ignorais qu’elle était prise. […] La décision est passée par les obscurs dédales de l’inconscient. Elle a été prise sous anesthésie. […] Du point de vue psychologique, il est clair que j’émerge – lentement il se doit – d’une dépression de bonne facture. A ce moment-là, je n’ai pas une idée claire des causes de cet affaissement psychologique qui a érodé ma volonté de vivre ».


La troisième raison pour laquelle nous recommandons ce livre est l’analyse des causes de cette dépression présentée par l’auteure : 

« Je me permets, constate-t-elle, une parenthèse sur la vie religieuse aux Fraternités de Jérusalem. Le fait est que la vie monastique inventée par Pierre-Marie Delfieux était tout simplement dingue ». Nous ajouterons pour notre part que cette vie a été approuvée par les autorités épiscopales les mieux placées. Il ne suffit donc pas d’en faire porter la responsabilité au seul Pierre-Marie Delfieux. 

En effet ce fondateur de communauté « choisit tout » : vie communautaire mais solitaire, vie contemplative mais active, longs temps d’oraison et liturgies très déployées. Le tout dans un rythme qui use à tous les niveaux : physique, spirituel, psychologique. » C’est pourquoi elle pose la question : « Combien de frères et sœurs sont aujourd'hui sous antidépresseurs ? ». Plus qu’une parenthèse cette question nous paraît essentielle car nous la retrouvons un peu partout. Il est des communautés qui « choisissent tout » comme elle le dit, même pour des laïcs dits « consacrés. ». Et les effets sont terribles. 


C’est pourquoi un tel ouvrage qui sert de mise en garde est si utile… 
Utile à l’auteure pour lui permettre de mettre des mots sur ce qui lui est arrivé, utile à toutes celles et tous ceux qui se posent des questions et veulent faire en toute connaissance de cause un choix de vie cohérent.


Ce n’est possible que s’il y a prise de conscience de l’abus : c’est le titre d’un des derniers chapitres de son livre. Nous en reprenons un extrait pour conclure : « Personne – pas même un chef – n’a une autorité légitime pour dire à l’autre qu’il sait mieux que lui ce qu’il pense. L’autorité peut porter sur les actes mais pas sur les pensées, la pensée étant le dernier refuge de la liberté. La liberté de pensée est la liberté ultime, abri incontestable de la dignité humaine. Même dans une organisation fondée sur la soumission, comme un ordre monastique où le vœu d’obéissance n’est pas une plaisanterie, on ne peut abolir la liberté de pensée, on ne peut réduire le bunker inviolable. »

ReCaptcha

Ce service de protection de Google est utilisé pour sécuriser les formulaires Web de notre site Web et nécessaire si vous souhaitez nous contacter. En l'activant, vous acceptez les règles de confidentialité de Google: https://policies.google.com/privacy

Google Analytics

Google Analytics est un service utilisé sur notre site Web qui permet de suivre, de signaler le trafic et de mesurer la manière dont les utilisateurs interagissent avec le contenu de notre site Web afin de l’améliorer et de fournir de meilleurs services.